L'épopée de Jeanne.
-
Jusqu'au roi de France
Domrémy où naît Jeanne est à la limite du territoire sous domination française, juste à côté du duché de Bourgogne, état, alors, beaucoup plus puissant que la France et allié des Anglais. A cette époque, la Normandie, la Guyenne sont sous domination anglaise.
la France en 1429
Jeanne est une jeune fille très, très pieuse. Elle dira lors de son procès qu'elle a entendu des voix « lui demandant d'être pieuse, de libérer le royaume de France de l'envahisseur et de conduire le dauphin sur le trône ».
Son village, Domrémy est brûlé par une bande de pillards, très nombreux en cette époque troublée. Elle, sa famille et les habitants qui ont survécus, vont se réfugier à Neufchâteau avant de revenir lorsque les pillards seront partis.
Lorsque les nouvelles du siège d'Orléans lui parviennent, en décembre 1428 ou janvier 1429, elle demande à son père l'autorisation de partir. Celui-ci la lui refuse. Elle lui demande alors l'autorisation d'aller aux « relevailles » d'une cousine, dans un village voisin, ce qu'il lui accorde.
Les relevailles sont une cérémonie qui se fait à l'église lorsqu'une femme s'y rend la première fois après ses couches pour se faire bénir par un prêtre.
Elle convainc le mari de sa cousine de l'accompagner chez le représentant du roi de France, à qui elle demande de l'incorporer dans les troupes du dauphin ! Gonflée la petite paysanne de 17 ans.
Il faut savoir qu'à cette époque la hiérarchie entre les différents états des gens, en fonction de leur condition sociale, est très marquée. De plus on n'imagine pas une femme combattre parmi des soldats.
Bien sûr Robert de Baudricourt, le représentant du roi, la prend pour une illuminée et la renvoie.
C'est mal connaître la jeune fille. Elle ne retourne pas chez elle. Dotée d'un très grand charisme, elle finit par avoir une réputation de guérisseuse dans la population, avide à cette époque, de prophéties encourageantes, qui, du coup la soutient, ce qui lui permet d'obtenir un sauf-conduit pour aller voir le duc de Lorraine malade.
Charles 2, duc de Lorraine, et Marguerite de Bavière, son épouse
Elle a le culot de promette au duc de « prier pour sa guérison en échange de l'abandon par le duc de sa maîtresse et d'une escorte menée par René d'Anjou, gendre du duc et beau-frère du Dauphin Charles, pour libérer la France ». Quand je disais gonflée la demoiselle.
Le seigneur de Baudricourt finit par lui donner une escorte composée de six hommes, dont un messager royal. Et voilà notre Jeanne partie pour le royaume de France après être allée se recueillir à l'église.
Elle réussit à traverser des territoires plus ou moins occupés par les Anglais, en proie à la guerre, sans se faire violer, ce qui est pourtant extrêmement courant à l'époque, puisque même des châtelaines pouvaient se faire violer dans leur propre château ! Elle réussit cet exploit grâce au fait qu'elle porte probablement des habits d'homme et qu'elle a une coupe de cheveux masculine.
Jeanne d'Arc chevauchant
Elle parvient donc à Chinon où le dauphin s'est réfugié. Contrairement à la légende, elle n'est pas reçue tout de suite par le roi, pas plus qu'elle n'a eu besoin de le reconnaître. Par contre lorsqu'il la reçoit, deux jours plus tard, c'est dans ses appartements privés où elle lui fait part de sa « mission ».
Elle ne sera reçue à la cour qu'un mois plus tard. Là elle annoncera quatre évènements : la libération d'Orléans, le sacre du roi à Reims, la libération de Paris – qui soutient fortement le roi d'Angleterre, et la libération du duc d'Orléans, oncle du roi, prisonnier à Londres depuis la défaite d'Azincourt.
Elle est envoyée à Poitiers pour être examinée par les autorités ecclésiastiques, qui s'y sont réfugiées. Des docteurs en théologie réalisent son examen de conscience et des matrones, supervisées par la belle mère du roi, constatent sa virginité.
De ces interrogatoires il n'y a plus de traces écrites.
Après une enquête à Domrémy, le dauphin Charles donne son accord pour envoyer Jeanne à Orléans assiégée par les Anglais.
Il faut savoir que le fait qu'elle soit vierge est considéré comme miraculeux à cette époque, au vu de ce qu'elle a fait, et cela lui confère une aura extraordinaire.
Alors qu'elle part pour Orléans, elle fait expulser les prostituées ou bien les fait marier et fait précéder ses troupes d'ecclésiastiques.
-
Le siège d'Orléans
La France est, grosso modo, coupée en deux au niveau de la Loire. Le nord est contrôlé par les troupes anglaises, le sud est sous le contrôle des Français. C'est pourquoi Orléans a une telle importance. Si les Anglais parviennent à prendre la ville, ils pourront alors attaquer plus facilement le dauphin.
Quelques semaines auparavant, en avril, les Français ont tenté d'attaquer des convois de ravitaillement anglais, mais cela a tourné à la catastrophe. Depuis cette défaite, les troupes françaises sont démoralisées et ne prennent plus d'initiatives.
Pendant des années, de vagues prophéties avaient circulé en France au sujet d'une jeune fille qui sauverait la France. Beaucoup de ces prophéties prédisaient qu'une jeune fille en armure viendrait des frontières de la Lorraine.
La bataille d'Orléans est une bataille phare suivie par toute l'Europe.
Au siège d'Orléans, elle n'est pas du tout cheffe de guerre, mais elle entre à Orléans, en avril 1429, avec un convoi de ravitaillement confié par le roi. Elle est équipée d'une armure et on lui a confié une bannière blanche sur laquelle elle a fait inscrire « Jesus Maria ». L'entrée du convoi dans la ville est protégé des Anglais par l'armée française qui mène des actions à d'autres endroits autour de la ville.
La réputation de Jeanne l'a précédée, aussi lorsqu'elle arrive à Orléans la population l'accueille avec enthousiasme tandis que les capitaines de guerre sont très réservés.
Jeanne qui décidément ne doute de rien, fait envoyer des messages aux commandants anglais dans lesquels elle se désigne comme « La Pucelle » et leur donne cet ordre : « Au nom de Dieu, retirez-vous, ou je vous ferai partir ».
Il faut savoir qu'à cette époque très religieuse, les Anglais (encore catholiques) comme les Français sont persuadés que Dieu est de leur côté ! L'arrivée de Jeanne, avec son aura de prophétesse chargée de mission par Dieu, jette un grand trouble parmi les troupes anglaises, même si les commandants la conspuent, l'insultent en la traitant de putain et de sorcière.
Elle a une telle foi, une telle confiance en elle et un tel enthousiasme, qu'elle ne doute de rien – sûrement, dans sa naïveté de jeune paysanne convaincue de sa mission sacrée, ne se rend elle pas vraiment compte des difficultés – mais du coup elle parvient à insuffler aux soldats français, démoralisés, le sentiment contraire de celui qu'elle inspire aux soldats anglais, une énergie nouvelle qui leur donne le courage de se battre vaillamment.
Pendant les deux jours suivants, elle défile dans Orléans, en distribuant des vivres et la solde des soldats, ce qui galvanise et les habitants et les soldats.
Dans les jours qui suivent, des renforts français étant arrivés, des attaques contre les forts anglais qui entourent la ville ont lieu, avec des victoires françaises. L'une de ces batailles, menée par Jeanne, tourne mal cependant et les soldats français s'enfuient. La légende dit qu'alors Jeanne, seule, fit demi-tour, leva son étendard et cria « Au nom de Dieu », ce qui aurait été suffisant pour impressionner les Anglais ce que voyant les Français font demi-tour et recommencent à se battre. Finalement les Français remportent la victoire.
le siège d'Orléans
Jeanne est blessée au pied lors de cette attaque. Le lendemain on lui demande de ne pas prendre part à l'attaque ce qu'elle refuse. En la voyant, de nouveaux habitants d'Orléans rejoignent les forces françaises. Pourtant l'attaque contre un nouveau fort anglais ne donne rien. Le soir les commandants français décident d'attendre le lendemain. Informée de cette décision, Jeanne se retire pour prier puis attrape une échelle et lance elle-même l'assaut. Les soldats français se précipitent derrière elle. Jeanne est blessée à l'épaule par un carreau (une flèche) d'arbalète. Le bruit de sa mort parcourt les troupes. Le moral des Anglais remonte, celui des Français baisse. Selon des témoignages, Jeanne retire elle-même la flèche et revient combattre, du coup c'est le moral des Anglais qui baisse et ce qui donne un nouvel élan aux Français.
Après une lutte acharnée la victoire revient finalement aux Français. Une autre victoire française intercepte des renforts anglais. Les pertes anglaises sont très lourdes, les forts du sud de la Loire ne sont plus entre les mains anglaises ce qui enlève tout intérêt pour eux de continuer la lutte ici. Ils se retirent. Orléans est délivrée.
Cet évènement fait l’effet d’une véritable bombe en Europe : le contraste est saisissant entre la lenteur du siège et la vitesse à laquelle il est levé dès l’intervention de Jeanne. Les contemporains croient y voir un miracle. Du côté français comme du côté anglais, la propagande fait rage, invoquant dans les deux cas le surnaturel, bon ou mauvais.
Jeanne d'Arc à cheval
Les Anglais battus à Orléans ne sont pas vaincus pour autant. Cependant Jeanne va rencontrer le roi pour lui faire part de la victoire et lui demander d'avancer vers Reims ville des sacres. Les commandants français lui déconseillent, arguant du fait que les positions anglaises sont encore trop fortes.
Quelques semaines plus tard, après le repos des troupes, de nouvelles armes, de nouveaux renforts de volontaires désireux de combattre sous la bannière de Jeanne, les batailles reprennent, et les victoires françaises s'enchaînent. Toute la Loire est maintenant sous le contrôle des Français.
Une armée anglaise de renfort arrive de Paris. Comme d'habitude en rase campagne, les commandants anglais pensent que leurs archers vont anéantir la cavalerie française. Malheureusement un incident va ruiner leurs espoirs. Les historiens militaires anglais rapportent qu'un cerf ayant traversé le champ près des lignes anglaises, les archers abattirent l'animal et poussèrent un cri de triomphe qui révéla leur position aux éclaireurs français. La cavalerie française les attaqua par leur flanc avant qu'ils aient pu organiser leur défense !
Cette bataille de Patay est une défaite équivalente, pour l'armée anglaise, à celle d'Azincourt pour les Français. Les principaux commandants anglais sont soit tués, soit fait prisonniers.
la bataille de Patay
Désormais la route vers Reims était quasiment libre et Jeanne – qui n'a pas combattu à Patay – se rend à Loches où réside le dauphin et le convainc d'aller à Reims.
-
Le sacre à Reims
La route de Reims est ouverte mais elle traverse les terres bourguignonnes, cependant l'armée du dauphin ne rencontre pas d'obstacle sur la route même. Cela montre que la cause du dauphin Charles, accompagné de Jeanne, remonte. Par contre la plupart des villes, bourguignonnes, ne veulent pas ouvrir leur porte. Plusieurs villes sont prises. À Auxerre, le commandant La Trimouille paye 2 000 écus d'or au ministre de la ville qui accepte que l'armée bivouaque hors de la ville et de la ravitailler. Plusieurs autres villes se soumettent.
L'armée arrive le 4 juillet devant Troyes qui refuse d'ouvrir ses portes. L'armée y fait le siège mais au bout du quatrième jour les provisions françaises manquent. Le Conseil est réuni, Jeanne y participe. Les commandants veulent renoncer. S'adressant au roi, elle lui demande si l'héritier du trône de France aura foi en ses paroles, ce que Charles confirme : « Gentil Dauphin, cette cité est vôtre. Si vous voulez demeurer devant deux ou trois jours, elle sera en votre obéissance par amour ou par force ; et n'en faites aucun doute ».
Jeanne d'Arc reçoit la mission de préparer l'assaut de la ville. On dit que les Troyens apercevant Jeanne d'Arc au milieu des soldats prennent peur et demandent à discuter des conditions de reddition de la cité. Dès le lendemain, Troyes ouvre ses portes. Il est plus probable que les Troyens ont eu peur d'être pris d'assaut par la puissante armée française.
Le 14 juillet le Dauphin dort à Chalons en Champagne pendant que le duc de Bourgogne est à Paris pour organiser la défense de la ville. Dans le même temps il envoie des ambassadeurs au Dauphin pour lui demander la paix.
Le 16 juillet le duc de Bourgogne quitte Paris pour retourner à Laon mais dans le même temps le Dauphin arrive au château de l'archevêque de Reims. Le dauphin somme les rémois de lui ouvrir leurs portes. Ceux-ci qui espèrent l'arrivée de secours anglais et bourguignons refusent. Malgré cela des négociations ont lieu et ils finissent par ouvrir leurs portes.
De ce fait, le dimanche 17 juillet 1429 Charles reçoit l'onction et est donc sacré à Reims roi de France sous le nom de Charles 7. Jeanne lui rend hommage et lui déclare : «Gentil Roy, ores est exécuté le plaisir de Dieu qui vouloit que je levasse le siège d'Orléans, et que je vous amenasse en ceste cité de Rheims pour recevoir vostre saint sacre, en monstrant que vous estes vray roy, et celluy auquel le royaulme de France doibt appartenir ».
le sacre du roi Charles 7
Le deuxième événement des quatre de sa mission est rempli. Ce sera le dernier.
Le rite essentiel est accompli ; le huitième sacrement, qui fait les rois et les marque du signe sacré du pouvoir légitime, est alors conféré à Charles VII, faisant de lui le monarque légitime, authentiquement désigné par Dieu.
le roi Charles 7
L'effet politique et psychologique de ce sacre est majeur. Reims étant au cœur du territoire contrôlé par les Bourguignons et hautement symbolique, il est interprété par beaucoup à l'époque comme le résultat d'une volonté divine.
Ces événements qui fourmillent d'anecdotes où les contemporains voient régulièrement des petits miracles, le tout conforté par leurs références explicites dans les procès, ont grandement contribué à forger la légende de Jeanne d'Arc.
Le mythe de la chef de guerre commandant les armées du dauphin est un autre exemple de légende. C'est le duc de Bedford, régent du royaume de France pour les Anglais, qui lui attribue le rôle de chef de guerre de l'armée du roi envoyé par le diable, pour minimiser la portée de la délivrance d'Orléans et des défaites anglaises ultérieures.
Les historiens contemporains la considèrent soit comme un porte-étendard qui redonne du cœur aux combattants et aux populations, soit comme un chef de guerre démontrant de réelles compétences tactiques.
Quoi qu'il en soit, en cette période très religieuse, voire mystique, qui de plus est troublée, son rôle moral a dû être indéniable d'autant plus avec sa conviction infaillible en sa mission divine et son énergie.