La fin.
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Le siège de Paris
Dans la foulée du sacre Jeanne tente de convaincre Charles 7 de reprendre Paris.
Sous l'impulsion de Jeanne, après plusieurs escarmouches sur diverses portes, l'assaut est donné à la porte saint Honoré. Jeanne est blessée à la cuisse par un carreau d'arbalète. Le roi lui donne l'ordre de se replier. Après quatre heures d'assauts infructueux, le roi sonne la retraite et il finit par interdire tout nouvel assaut car l'argent et les vivres manquent.
Jeanne au siège de Paris
En octobre et novembre 1429 quelques sièges de villes ont encore lieu mais devant La Charité sur Loire c'est un échec et le siège est abandonné. Pour noël Jeanne regagne le village de Jargeau.
L'armée royale fait alors retour vers la Loire où elle est dissoute.
Début 1430 Jeanne est conviée à rester à Sully sur Loire. Néanmoins Jeanne repart en campagne ; elle conduit sa propre troupe et se considère comme cheffe de guerre indépendante, sans beaucoup de succès malgré son charisme et son courage – elle sera blessée plusieurs fois.
Cependant le roi qui a obtenu ce qu'il voulait, à savoir être sacré roi, lâche Jeanne d'Arc, d'autant plus qu'il négocie maintenant avec les Bourguignons car il considère que la guerre coûte trop cher et que l'essentiel est acquis.
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Le siège de Compiègne et la capture
Début mai Jeanne quitte le roi à la tête d'une compagnie de volontaires et se rend à Compiègne pour libérer la ville assiégée par les Bourguignons. Lors d'une sortie aux portes de la ville, le 23 mai, elle est faite prisonnière par les Bourguignons.
la capture de Jeanne d'Arc
Le duc de Bourgogne vient la visiter et il la confie au seigneur bourguignon Jean de Luxembourg qui la traite bien.
Pour prévenir un éventuel coup de main des Français, elle est transférée au château de Beaulieu, situé à environ 35 km au Nord de Compiègne ; elle y fait sa première tentative d'évasion.
Il est alors décidé de la transférer loin de la zone des combats, environ 60 km plus au nord, au château de Beaurevoir, où elle se blesse sérieusement en sautant vaillamment par une fenêtre en tentant de s'évader une nouvelle fois.
Elle est vendue aux Anglais le 21 novembre 1430, pour dix mille livres, une somme très importante, et confiée à Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, ancien recteur de l'Université de Paris et allié des Anglais.
Les Anglais l'emmènent à Rouen où se situe leur quartier général et où elle est étroitement enfermée dans une tour du château.
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Le procès et la condamnation
Lors de son procès qui dure du 21 février au 23 mai 1431, elle est accusé d'hérésie. Jugée par l'Église, Jeanne d'Arc est néanmoins emprisonnée dans une prison civile, au mépris du droit canonique.
Si ses conditions d'emprisonnement sont particulièrement difficiles, Jeanne n'a néanmoins pas été soumise à la question, bien qu'elle en ait été menacée.
Pour les Anglais le procès de Jeanne doit démontrer qu'elle est une sorcière et, alors, le sacre de Charles 7 n'aura aucune valeur.
Environ cent vingt personnes sont choisies avec soin. Lors du procès de réhabilitation, plusieurs témoignèrent de leur peur. Ainsi, Richard de Grouchet déclare que « c'est sous la menace et en pleine terreur que nous dûmes prendre part au procès ; nous avions l'intention de déguerpir. » Pour Jean Massieu, « il n'y avait personne au tribunal qui ne tremblât de peur. » Pour Jean Lemaître, « Je vois que si l'on n'agit pas selon la volonté des Anglais, c'est la mort qui menace. ».
Toutefois pendant le procès les enquêteurs ne parviennent pas à établir un chef d'accusation valable : Jeanne semble être une bonne chrétienne, convaincue de sa mission, différente des hérétiques qui pullulent à l'époque.
Les juges ont rapidement fait vérifier la virginité de Jeanne, car une vierge ne peut pas être une sorcière, c'est ainsi. C'est donc un coup dur pour les Anglais qui ne peuvent plus faire condamner Jeanne comme sorcière.
Le 21 février, la séance est ouverte dans la chapelle royale du château de Rouen où Jeanne est citée à comparaître. Sa prestation de serment pose problème à ses juges.
« Jeanne, je vous requiers encore de prêter serment de dire la vérité. - De mon père, de ma mère et des choses que j’ai faites depuis que je pris le chemin de France, volontiers je jurerai. Mais quant aux révélations qui me viennent de Dieu, je n’en ai onques rien dit ni révélé à personne, sinon à Charles mon roi; je n’en dirai pas plus, dût-on me couper la tête, parce que mon conseil secret — mes visions, j’entends — m’a défendu d’en dire rien à personne. »
Jeanne devant son juge
Interrogée sur sa vie avant et après son départ de son village natal de Domrémy, Jeanne fait face à ses juges, sans se recouper, avec assurance, voire audace.
« Quel aspect avait saint Michel quand il vous apparut ? Etait-il nu ? - Pensez-vous que Dieu n'ait pas de quoi le vêtir ? - Avait-il des cheveux ? - Pourquoi les lui aurait-on coupés ? »
Les réponses de Jeanne ont été déformées pour construire l’accusation. Attentive à la lecture des actes, Jeanne nie et renvoie à chaque fois à ses réponses originales.
Un moment pour faire avouer Jeanne, les juges envisagent de la torturer mais comme sa santé s'est sérieusement dégradée, ils ont peur qu'elle en meure ce qui est un risque politique trop grand ; alors ils ne font qu'un simulacre mais il ne fait pas changer Jeanne d'avis.
Alors le tribunal lui reproche par défaut de porter des habits d'homme, d'avoir quitté ses parents sans leur autorisation, et surtout de s'en remettre systématiquement au jugement de Dieu plutôt qu'à celui de l'autorité ecclésiastique terrestre. Les juges estiment également que ses voix, auxquelles elle se réfère constamment, sont en fait inspirées par le démon. Soixante-dix chefs d'accusation sont finalement trouvés, le principal étant « imaginant mensongèrement des révélations et apparitions divines ».
Soucieux de régularité, Pierre Cauchon fait parvenir à Paris l'acte d'accusation, rédigé le 14 mars, qui charge Jeanne des pires horreurs, afin d'obtenir l'avis de l'université. En fait l'acte d'accusation qui est présenté aux docteurs parisiens de l'Université est un texte tendancieux.
L’université de Paris, alors favorables aux Bourguignons, rend son avis : Jeanne est coupable d'être schismatique, apostate (un apostat est une personne qui renonce publiquement à une religion), menteuse, devineresse, suspecte d'hérésie, errante en la foi, blasphématrice de Dieu et des saints. Jeanne en appelle alors au Pape mais ce sera ignoré par les juges.
On exhorte Jeanne à se repentir. En public elle refuse mais devant la menace du bûcher elle abjure. Il est dit qu'elle aurait signé d'une croix, ce qui aurait voulu dire que c'était une fausse abjuration. Pourtant on ne sait pas si elle savait écrire mais il est possible qu'elle ait appris à la cour du roi.
On la réintègre alors dans sa prison en lui donnant des habits de femme et en lui promettant de la transférer dans une prison d'église, gardée par des gens d'église. Mais les Anglais se sentent floués car ils attendaient la mort de l’accusée. Jeanne est donc renvoyée dans la même prison et après avoir subi des outrages et des violences, elle endosse à nouveau des habits masculins pour se protéger. Aux yeux de l’Église, elle devient donc relapse (c'est à dire retombée dans l'hérésie) et le juge n’a d’autre choix que de la livrer au bras séculier pour exécuter la condamnation à mort.
Le 30 mai 1431, après s'être confessée et avoir communié, Jeanne en tunique de toile soufrée est conduite vers neuf heures, sous escorte anglaise, place du Vieux-Marché à Rouen. Elle déclare : « Évêque, je meurs par vous ! ».
Jeanne au bûcher
Le cardinal de Winchester a insisté pour qu'il ne reste rien de son corps. Il désire éviter tout culte posthume de la « pucelle ». Il a donc ordonné trois crémations successives. La première voit mourir Jeanne d'Arc par intoxication par les gaz toxiques issus de la combustion. Le bourreau écarte les fagots, à la demande des Anglais, pour que le public puisse voir que le cadavre est bien celui de Jeanne. La seconde dure plusieurs heures et fait exploser la boîte crânienne. Pour la troisième, le bourreau ajoute de l'huile et de la poix et il ne reste que des cendres et des débris osseux qui sont dispersés dans la Seine afin qu'on ne puisse pas en faire de reliques.
Au final le procès de Jeanne est un échec pour les Anglais qui voulaient la faire brûler comme sorcière afin que le sacre de Charles 7 n'ait pas de valeur mais ce n'a pas été le cas.
Le jeune roi d'Angleterre, Henri 6, se fera sacrer roi de France en décembre 1431 dans la cathédrale de Paris, mais son sacre n'est pas accompagné de l'onction par l'huile sainte, ce qui enlève une grande partie de sa valeur. Les rois d'Angleterre se considéreront comme rois de France jusqu'au roi Georges 3 en 1801 !
Couronnement du jeune Henri 6 d'Angleterre à Paris
En 1435 Charles 7 signe la paix d'Arras avec le duc de Bourgogne. Les Anglais sont dès lors inexorablement repoussés, notamment après la prise de Paris en 1436. La guerre de cent ans durera encore quelques années, jusqu'en 1453. La paix est définitivement signée en 1475 par le traité de Picquigny entre Louis 11 et Edouard 4. Cependant les Anglais conservent Calais jusqu'en 1558.
Peu après avoir repris Rouen, Charles VII publie, le 15 février 1450, une ordonnance disant que « les ennemis de Jeanne l'ayant fait mourir contre raison et très cruellement », il veut savoir la vérité sur cette affaire. Mais il faut attendre 1455, et sur la demande de la mère de Jeanne, la révision du procès.
On peut supposer que le roi voulait ainsi au moins autant conforter la valeur de son sacre que rendre hommage à Jeanne qui l'avait tant aidé.
Le pape a ordonné à l'évêque de Lisieux et conseiller de Charles VII, d'étudier en profondeur les actes du procès de Jeanne d'Arc. Son mémoire est la condition juridique du procès en réhabilitation. Celui-ci aboutit à casser le premier jugement pour « corruption, dol, calomnie, fraude et malice » grâce au travail de l'inquisiteur Jean Bréhal, qui enregistre les dépositions de nombreux contemporains de Jeanne, dont les notaires du premier procès et certains juges.
Le jugement, prononcé le 7 juillet 1456, déclare le premier procès et ses conclusions « nuls, non avenus, sans valeur ni effet » et réhabilite entièrement Jeanne et sa famille. Il ordonne également l'« apposition d'une croix honnête pour la perpétuelle mémoire de la défunte » au lieu même où Jeanne est morte.
Ainsi finit l'histoire de Jeanne d'Arc, jeune paysanne convaincue de sa mission, énergique et hautement charismatique. Le mythe et la légende peuvent commencer !
Remarques.
J'ai intitulé cet essai, « histoire aussi vraie que possible de Jeanne d'Arc ». En effet comme vous l'avez compris à sa lecture, le rôle de Jeanne est essentiellement politique et chaque partie ne s'est pas privée de l'utiliser à son avantage comme le montrent les deux procès.
Quel a été son rôle réel dans la guerre ? Avant l'intervention de Jeanne d'Arc, les Anglais bénéficiaient d'un avantage psychologique extrêmement important. En 1429 la dynamique était anglaise. L'avantage numérique du royaume de France pesait peu. Jeanne a eu indéniablement le mérite d'inverser l'ascendant psychologique en faveur de la France, en remontant le moral des armées et des populations, en légitimant et sacrant le roi, et en montrant que la réputation d'invincibilité des Anglais était fausse. Et, comme le dit le pape : « Il n'est pas un homme qui n'accepte d'avoir Dieu pour chef ».
Les deux sources principales sur l'histoire de Jeanne d'Arc sont le procès de la condamnation de 1431, et le procès en nullité de la condamnation de 1455-1456. Le procès-verbal est rédigé quelques années plus tard sous le contrôle du principal greffier Guillaume Manchon par Thomas de Courcelles. Étant des actes juridiques, elles ont l'immense avantage d'être les retranscriptions les plus fidèles des dépositions. Cependant le procès de 1431 fut retranscrit en latin alors que les interrogatoires étaient en français.
On ne peut pas la quitter sans rappeler que, même si à cette époque les prophétesses étaient nombreuses, aucune n'a eu un tel retentissement, y compris hors de France, et qu'elle a été l'enjeu d'énormément d'intérêts, politiques comme religieux. Par exemple, l'université de Paris, « remplie des créatures du roi d'Angleterre », ne la voit pas d'un bon œil, à l'opposé des théologiens de Poitiers, composée d'universitaires parisiens exilés par les Anglais.
Un mot sur l'enjeu de sa virginité. Si « pucelle » signifiait à l'époque simplement « fille » et pas particulièrement « vierge », Jeanne mettait aussi en avant sa virginité pour prouver, selon les mœurs de son temps, qu'elle était envoyée de Dieu et non une sorcière et affirmer clairement sa pureté, aussi bien physiquement que dans ses intentions religieuses et politiques.
L'opinion de cette époque était en effet formée à ces miracles où la Vierge et les saints venaient délivrer les prisonniers ou sauver des royaumes. Dès lors vérifier sa virginité devient un enjeu important, étant donné l'importance politique des projets de Jeanne : restaurer la légitimité du roi Charles VII et l'amener au sacre.
Par deux fois, la virginité de Jeanne fut constatée par des matrones, à Poitiers en mars 1429, mais aussi à Rouen, le 13 janvier 1431, l'évêque Cauchon avait ordonné ce deuxième examen pour trouver un chef d'accusation contre elle, en vain.
Sources Wikipédia ; essentiellement les articles : Jeanne d'Arc, Guerre de cent ans, Henri 5, Traité de Troyes, Siège d'Orléans, Bataille de Patay, Charles 7, siège de Paris, Pierre Cauchon
Nota bene personnel.
A cette époque la France compte environ 15 millions d'habitants et l'Angleterre 4 millions, soit quasiment quatre fois moins. Imaginons un instant que le roi d'Angleterre soit devenu également roi de France. Au vu de l'influence anglaise et bourguignonne sur la plus grande partie du territoire, une grande partie de la population ne s'y serait probablement pas opposée.
Sans Jeanne d'Arc, la France serait devenue anglaise, mais compte tenu des différences de population, les Anglais auraient été assimilés et, finalement, c'est l'Angleterre qui serait devenue Française. Il semblerait même que, à l'époque, certains Anglais perspicaces auraient souhaité que l'Angleterre ne gagne pas la guerre pour cette raison. Et peut-être qu'aujourd'hui la langue internationale serait le français !